On y est ! C’est la dernière ligne droite ! Celle qui mène au World Open Tournament organisé tous les 4 ans. Cette année, la 12e édition se déroulera du 6 au 12 novembre. Avant, il y a un dernier gros challenge à relever : le prestigieux Open de New York ce week-end (22-23 juin).

Antonio Tusseau est de la partie. 1er Français sur le podium en 2015 et vainqueur en 2017, il a depuis fait un break, pris 10 kg et changé de caté (de 80 à 90 kg). Sa verve, sa bonhomie et ses ambitions sont, elles, restées inchangées. Le double champion d’Europe se raconte : les footings à 1h du mat’, son retour au 1er plan, son nouveau karaté, son appétit du KO…

Par Ludovic Mauchien / Photos : LM


 

Antonio Tusseau, dit « Tonio », est un personnage. Déjà parce qu’il pratique le Kyokushin à haut niveau mais aussi par son approche de la vie. Il est autant guerrier et intrépide sur un tatami qu’insouciant et jovial en dehors. Son style ? Clair comme de l’eau de roche : chercher le KO. Ce qui l’expose physiquement mais il n’en a cure. Ses multiples blessures ne sont pas venues à bout de sa motivation. Il ne conçoit pas le Kyokushinkaï autrement.

Et cela lui réussit plutôt bien. A 28 ans (depuis le 19 mai), il est double champion d’Europe (2014-2017), a remporté l’Open de New York (2017) et cumulé de nombreux accessits.

Mais pour Shihan Legrée, comme pour les Sempaï de l’ACBB, où il donne des cours, il reste le Kohaï, le gamin fou-fou, imprévisible, talentueux mais tellement nature que cela lui joue parfois des tours. « Euh… Je pourrais relire l’article avant que tu le publies ? Si tu mets tout, je vais encore me faire tirer les oreilles par Shihan » ! C’était il y a quelques jours, avant qu’il ne prenne son envol pour New York mardi 18.

Il combat samedi prochain, le 22. Mais, dès la nuit de samedi à dimanche dernier, il s’est mis en mode new-yorkaise. Footing à 1h du mat’, repas et sommeil décalés… pour ne pas trop subir le décalage horaire.

Il va combattre en -90 kg, la caté où il a été sacré champion d’Europe et a gagné New York en 2017, en dominant l’Espagnol Navarro en finale ! Il est sur son nuage et ambitionne de gagner le All Japan. Il redescend brutalement sur terre avec une élimination très discutable au 1er tour. C’est un coup de massue. Il fait un break. « J’étais un peu fracas’, la main blessée… et déçu », raconte-t-il. « En fait, je n’étais pas très content. Cela m’a énervé. Du coup, j’ai gardé cet état d’esprit pour changer mon style, être plus basique kyoku ».

Il s’entraîne aussi en kick-boxing et progresse en pieds-poings. Il prend surtout du poids et du muscle. Il effectue son retour au All Japan en novembre dernier. Il perd contre le 4e mondial au 3e tour. En mai, Antonio Tusseau, 90 kg sur la balance, retrouve les Championnats d’Europe et finit une nouvelle fois sur le podium (3e). De bon augure ?

Comment se prépare-t-on pour un Open de New York ?

Pour le coup, c’est un peu freestyle. Depuis 2 ans, je n’ai plus de coach et je m’entraîne seul avec mes élèves, je suis prof à l’ACBB. Ca influe sur mes résultats. C’est toujours codifié mais un peu plus compliqué.

Sinon, vu que je suis passé en lourds, je fais de la muscu et je cours beaucoup moins. Je fais du sac pour compenser la perte de cardio. J’ai repris un peu la course. Je travaille désormais un autre type de cardio.

« JE PEUX LEUR RENTRER DEDANS COMME J’AI ENVIE AVEC 10 KG DE PLUS »

Qu’est-ce qui est différent entre 80 et 90 kg ?

En Open, je me sens mieux. Je ne suis plus un petit gars qui se bat avec des géants, qui est obligé de tourner... Je peux leur rentrer dedans comme j’ai envie avec ces 10 kg de plus. C’est plus technique, c’est plus posé. J’ai moins de cardio. Je peux moins me permettre de faire des folies comme je le faisais avant. Quoique… Aux derniers championnats d’Europe, j’ai un peu fait le fou-fou…

J’envoie un peu moins de jambe à la tête, mais quand j’envoie, ça touche. Il y a moins de gestion de déplacement. Pour un -80 kg, j’étais grand mais il me manquait un peu de puissance. Du coup, là, j’ai la puissance. Ca change la donne.

Dans mes combats, je cherche à mettre KO, de la seconde 0 à la seconde 120. J’essaie de taper le plus fort possible. Je suis revenu à un style où je cherche vraiment le KO.

Le All Japan, en novembre 2018, était ta 1ère grosse compétition depuis un an. Quelles ont été tes sensations ?

Je suis revenu bien plus fort, avec un nouveau style. Je suis arrivé très affûté à 84 kg. Comme je n’avais pas combattu en 2018, je n’étais plus tête de série. Ils m’ont mis 2 mecs très lourds, un Japonais puis un Brésilien de 107 kg au 2e tour (il rit) ! Ensuite, ils m’ont mis le 4e mondial (il rit). J’avais laissé des plumes avec le Brésilien parce que mon style, c’est de rentrer dedans. Même s’il faisait 107 kg, c’est lui qui reculait. J’ai fait prolongation. J’étais un peu fracas’ le lendemain contre le 4e mondial. Je perds à la décision.

Il y a à peine un mois, tu finis 3e des Championnats d’Europe. Tu es sur la pente ascendante…

Je perds contre le champion du monde en titre (le Russe Luzin). Physiquement, il était mieux que moi et ses poussées m’ont beaucoup gêné. C’était bien d’affronter le champion du monde. Comme ça, j’ai combattu les deux derniers, Navarro (2013) et lui (2017). Bon… Je reste à ma place de 3e, double champion d’Europe mais pas champion du monde. J’en ai battu un mais pas l’autre.

L’Open de New York, cela t’évoque quoi ?

New York, j’adore ! La 1ère fois, en 2015, je revenais de ma grosse blessure (jambe cassée). Je me suis fait clairement voler. Les gens ont hué puis ils m’ont applaudi. Cela m’a fait vraiment plaisir.

L’année d’après, il m’arrive un truc incroyable. Mon Airbnb ne m’ouvre pas, je me retrouve à la rue. Je cherche un hôtel, c’est la galère. Je m’installe sur un banc, je prends la pluie… C’était assez rigolo. Et je fais 3e ! C’était la 1ère fois qu’un Français arrivait 3e à New York. Je perds contre mon ennemi de toujours, Zuborev. Il avait la bouche en sang… Il n’a même pas pu faire la finale.

Et, en 2017, je gagne ! J’avais pris du poids, j’étais à 85 kg, je me sentais bien, j’enchaînais les victoires. Et je bats Navarro en finale ! Cette année, il ne participe pas et va peut-être me coacher. Si Navarro est derrière moi, cela va être cool. En plus, il a gagné l’année dernière. Cela va me donner de la force en plus.

« J’AI DESORMAIS L’HABITUDE DE M’ENTRAINER LA NUIT »

Tu optimises ton approche en te mettant à l’heure US une semaine avant…

J’ai désormais l’habitude de m’entraîner la nuit, de décaler mes repas, d’optimiser mon temps de sommeil... Et je vois franchement la différence, même si le décalage horaire est facile dans ce sens-là. Au Japon, c’est plus compliqué.

En 2016, j’ai eu une très, très mauvaise expérience. Je n’ai pas réussi à me décaler, je n’ai pas dormi pendant 5 jours ! Cela a été difficile d’aller combattre ensuite. Je m’entraînais avec Romain (Anselmo). Il me faisait des raquettes et je les prenais toutes dans la tête. Je me disais : « il y a un truc qui ne va pas ! » (il rit). Et je me prends un high kick en pleine tête. C’est rare que je m’en prenne.

Penses-tu déjà au World Weight Open category ?

C’est un objectif mais je n’ai pas envie de me porter la poisse comme en 2017 où j’avais dit à tout le monde que j’allais gagner. Je suis super superstitieux. Je suis allé 7 fois au Japon, je n’ai jamais rien ramené. Remporter les Championnats du monde, ça serait le rêve. C’est le but. Je vais tout donner pour mais…Cet été, je vais me donner les moyens. Je vais aller m’entraîner en Russie et au Japon.

Une bonne place à New York me permettrait d’y croire réellement, sachant que j’y vais sans être au max de mes capacités. J’y vais pour me faire plaisir et tester 2-3 trucs. Mais j’ai confiance en moi. Je ne me prends plus trop la tête avant les compèts. Le jour d’avant, je m’énerve un peu. Mais c’est le jour J, quand je vais monter sur le tatami, que je switche en mode bagarre.

A suivre : Maxime Demeautis