Champion du monde des -70 kg en 2004 au Mexique, désormais instructeur JKS (Japan Karaté Shoto-Renmei) au Honbu dojo de Tokyo, Shinji Nagaki était en France pour trois jours de stage. L’élève de Masao Kagawa, 9e Dan, qui a côtoyé et côtoie le karaté sportif et traditionnel, nous offre son regard sur la discipline, les Jeux olympiques et son vécu de karatéka.

 Par Florian Fournier

Photo : D.R


 

Elève de Masao Kagawa, Shinji Nagaki, 5e Dan JKS, est l’un des premiers à avoir porté la JKS au plus haut niveau mondial. Initialement formé par son père Mitsuru Nagaki, 8e Dan, 9 fois champion du Japon kata JKA (de 1991 à 1999) et 3 fois du monde JKA Kumite et Kata (1994, 1998 et 1999), le champion du monde 2004 (-70 kg), parcourt désormais le monde pour dispenser son savoir. A 35 ans, c’est un Senseï généreux, enthousiaste et doté d’une grande pédagogie.

Créée en 2000 par Asaï Senseï, la JKS est une branche directe du Karaté de Gishin Funakoshi. Cette évolution proposée par Asaï Senseï implique un Karaté Shotokan où les rotations sont plus nombreuses, avec un contrôle et une maîtrise totale du corps. C’est une forme de Karaté qui offre une possibilité de pratique plus longue et adaptée à tous. Prenant la tête de la branche après le décès d’Asaï Senseï en 2006, Masao Kagawa y apporta son regard et permit aux karatékas estampillés JKS de rentrer en équipe nationale du Japon en nombre.

A l’heure actuelle, huit membres de l’équipe nationale sont instructeurs au Honbu Dojo de Tokyo : Koji Arimoto, champion du monde kata par équipe en 2012, Daisuke Watanabe, Shohei Toyama, Hideyoshi Kagawa, Kayo Someya championne du monde 2012 en -68 kg, Mayumi Someya, Saori Okamoto et Natsumi Kawamura.

Comment le Karaté olympique est-il apprécié au Japon ? Cela a-t-il modifié la façon de s’entraîner ?

C’est une chose formidable. Les Jeux olympiques, c’est un rêve pour tout le monde, c’est la reconnaissance ultime de ton travail. Voir le Karaté enfin reconnu par « le monde du sport » fait chaud au cœur.
Au Japon, de plus en plus de gens se mettent à pratiquer depuis cette annonce (Ndlr : en août 2016). « On » devient de plus en plus populaire, que ce soit au niveau des pratiquants, des médias ou des partenaires.
Les Jeux olympiques vont être une véritable vitrine pour faire découvrir notre art. Et je peux vous dire que nous sommes très motivés à l’idée de disputer ces premiers JO du Karaté à Tokyo.

Avez-vous eu envie de reprendre la compétition pour participer aux JO ?

Ça m’a traversé l’esprit mais j’aurais préféré que cela se produise il y a dix ans quand j’étais au sommet de ma carrière. Les Jeux olympiques, c’est une motivation sans précédent mais la raison m’a remis les pieds sur terre. A 35 ans, ma carrière est terminée. Je préfère me consacrer à l’enseignement, à mon fils et ma famille.

Malgré tout, vous vous entraînez encore…

Cinq jours par semaine à raison de 3h par jour pour mon entraînement personnel, qui inclut également celui que l’on reçoit des instructeurs plus hauts gradés du Honbu dojo. A ces trois heures, il faut rajouter les cours que je dispense au sein du Honbu et parfois à l’Université de Teikyo.

Enseignez-vous seulement le Kumite ?

Je n’ai pas d’enseignement spécifique. Je dispense mes cours de façon globale. Je m’attèle, comme je l’ai appris, à transmettre dans un premier temps la base. Ensuite, après avoir fait du Kihon, quand mes élèves ont bien travaillé, on pratique soit le kata, soit le Kumite. Parfois, on peut faire des cours exclusivement Kata ou combat mais c’est très rare.
Sur une séance d’une heure, je fais en général 30 minutes de Kihon. Il ne faut jamais oublier que c’est le socle du karaté. Pour être un bon karatéka, il faut sans cesse travailler ses bases. La perfection ne s’atteint jamais.

Comment trouvez-vous les élèves karatékas dans le monde, particulièrement en France ?

En tant qu’instructeur international de la JKS, je voyage beaucoup et c’est un plaisir de rencontrer tous ces pratiquants. Enseigner au Japon et à l’étranger est totalement différent. Parfois, la barrière de la langue m’intimide quelque peu, mais l’envie et l’implication que mettent les karatékas m’enlèvent ce blocage. En France, le niveau est bon et je trouve les karatékas particulièrement concentrés et attentifs.

Le Karaté est une tradition familiale, comment se déroulait les entraînements à la maison ?

Mon père me faisait surtout travailler les bases. On avait la chance d’avoir un dojo à la maison. Je faisais des heures et des heures de Kihon. Il me corrigeait mes positions et me faisait répéter par série mes blocages, mes coups de poing, mes coups de pied… Je ne pourrais pas compter le nombre de Gedan Baraï, de Oï Tsuki et d’autres techniques que j’ai pu faire !
Je me souviens que j’ai appris très jeune les 26 katas du Shotokan. A 8 ans, je connaissais Unsu. C’est sûrement tout ce travail technique fait avec mon père qui m’a permis d’être champion du monde et d’avoir le niveau que j’ai actuellement.

Pourquoi avoir choisi le Kumite en compétition ?

J’aime l’affrontement et le défi que représente le Kumite. J’ai très vite compris que la technique était essentielle mais il me manquait la confrontation physique. N’étant pas très grand, j’ai le souvenir que l’idée de pouvoir battre un plus grand que moi me motivait. Ensuite, les résultats venant, je me suis spécialisé dans le Kumite. Mais je n’oublie jamais de travailler les bases.

Votre fils sera-t-il un grand karatéka comme son grand-père et son père ?

Je l’espère, le Karaté est une tradition dans ma famille. Mon père est un grand Senseï, ma maman pratique aussi et même mes sœurs. Je crois donc que mon fils va suivre la voie et j’espère qu’il sera meilleur que nous. Au fond de moi, j’ai envie qu’il soit champion olympique. Mais on va encore attendre un peu… Il n’a que 3 ans.

Quels sont vos projets dans le karaté ?

Je vais prochainement ouvrir mon dojo à Yokohama. J’ai envie d’en ouvrir plusieurs et de déléguer l’enseignement aux jeunes instructeurs du Honbu dojo. (Arimoto Senseï, Toyama Senseï…).