Ils ont magnifiquement commencé. Ils se sont terriblement terminés. Les Jeux olympiques ont été un très beau moment à vivre, surtout la 1ère journée où le Karaté était tout en beauté.

Le tournoi a globalement permis de montrer une belle image du sport, malheureusement terni par le KO de Sajad Ganjzadeh en clôture de ces Jeux, qui repose la question du règlement et de son interprétation. Mais, heureusement, ces JO de Tokyo ne se limitent pas à cette controverse.

L’avènement de Da Costa et Prekovic, le sacre surprise de Goranova, l’hommage de Kiyuna à sa mère, la victoire de Busa sur Aghayev, la tristesse d’Hamedi, le Japon en ½ teinte… Heurs et malheurs de ce 1er tournoi olympique de l’histoire, ainsi que tous les résultats et podiums.

Par Ludovic Mauchien et Florian Fournier


NATIONS : LE JAPON 1er GRACE AU KATA

20 pays médaillés, 8 nations en or, les deux 1ères places pour le Japon et l’Espagne grâce au Kata (1 or, 1 argent). L’Italie est 3e de ce classement olympique, grâce aussi à un podium en Kata.

La France, grâce à la médaille d’or de Steven Da Costa, finit 5e. La Turquie, malgré ses 4 médailles (plus grand total), n’apparaît qu’en 10e position car privée de finale.

1. Japon (1, 1, 1)

2. Espagne (1, 1, 0)

3. Italie, Egypte (1, 0, 1)

5. France, Bulgarie, Serbie, Iran (1, 0, 0)

9. Azerbaïdjan (0, 2, 0)

10. Turquie (0, 1, 3)

11. Chine, Ukraine (0, 1, 1)

13. Arabie Saoudite (0, 1, 0)

14. Kazakhstan (0, 0, 2)

15. Jordanie, Hongrie, USA, Autriche, Taïwan, Hong-Kong (0, 0, 1)

 

LES TOPS

 

Steven Da Costa, le nouveau prince

S’il y en a un qui fait l’unanimité, c’est bien Steven Da Costa. Sa confrontation avec Assadilov et consorts était attendue. Résultats ? 5-2 contre le Kazakh en ½ finale, 5-0 en finale contre le Turc Eray Samdan et un titre de champion olympique (-67 kg). Déjà champion du monde et champion d’Europe, le Français a tout gagné à 24 ans seulement.

Ryo Kiyuna, l’empereur qui rend hommage à sa mère

C’est l’empereur sur les tatamis, mais aussi en dehors. Le Japonais Ryo Kiyuna, personnage très discret, voire mystique, restera comme l’un des grands acteurs de ces JO. Non seulement parce qu’il a remporté la médaille d’or, mais aussi par son attitude. Après sa victoire, il s’est assis en seiza au milieu de tapis pour effectuer un salut, ce qui restera comme l’un des moments forts de ces Jeux. Il est ensuite monté sur le podium avec une photo de sa maman, disparue il y a 2 ans. Osu !

Ivet Goranova, la reine surprise

Personne ne l’a vue venir. Et pourtant… C’est qui la championne olympique des -55 kg ? C’est Ivet Goranova. A 21 ans, la n°13 mondiale et 27e olympique a déjoué les pronostics sans qu’il n’y ait rien à redire. La jeune Bulgare a totalement maîtrisé son sujet et ses adversaires. 5-2, 5-1, 5-2 face à Wen, Ozcelik et Bahmanyar, 4-3 contre Plank en ½ finale et 4-1 en finale face à Terliuga. Chapeau bas !

Tareg Hamedi, le cheikh venu d’Arabie

Il ne faisait pas partie des favoris, vu les clients de sa caté, mais il était un considéré comme un gros outsider. Vainqueur du tournoi de qualification à Paris, où il avait fait forte impression, Tareg Hamedi a illuminé le Nippon Budokan. Pour beaucoup, le jeune Saoudien, 23 ans, est le champion olympique de cœur. Dominateur en finale face à Ganjzadeh (4-1), le KO qu’il inflige à l’Iranien le prive d’un titre qui lui tendait les bras. Champion du monde Junior en 2015, champion d’Asie senior en 2017 et 2019, le Cheikh des tatamis n'a pas fini de faire parler de lui.

Deux doublés historiques !

Ils ne sont que deux à avoir réussi le fabuleux doublé champion du monde – champion olympique, le Français Steven Da Costa (-67 kg) et la Serbe Jovana Prekovic (-61 kg). Cette dernière réalise même le triplé grâce à son titre européen acquis en mai.

Le format de compétition : à renouveler ?

10 combattants, 2 poules de 5, ½ finales, finale. Le format adopté pour ces JO nous a convaincus. On pouvait craindre des calculs et de la retenue, on a eu des combats engagés et virevoltants, opposant (quasi) tous les meilleurs du monde. Un concept à reprendre ? Nous, on est pour ! Pourquoi pas un Masters tous les ans sur le même principe ?

Wayne Otto, lui, pense même aux Karate 1. « J’adore ce format. Ce serait intéressant de faire les Premier League comme ça. Nous dépensons beaucoup d’argent pour nous rendre à ces tournois et, parfois, on ne fait qu’un combat ».

13 karatékas porte-drapeaux

Le karaté était à l’honneur lors de ces Jeux olympiques, particulièrement lors de la cérémonie de clôture. 13 pays avaient décidé de confier leurs drapeaux à des karatékas. Pied de nez au CIO ou hommage du monde sportif au Karaté ? C’était en tout cas beau à voir.

 

LES FLOPS

 

Le Japon à l’Ouest

Ils s’y préparaient depuis 5 ans, multipliant les longs stages à l’étranger, sauf évidemment depuis le début de la pandémie. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui peut expliquer que les Japonais n’ont pas vraiment brillé lors de « leurs » Jeux, selon Wayne Otto. « Avec le Covid, ils ont été isolés. Si ces Jeux avaient eu lieu il y a un an, certains résultats auraient été différents ». Toujours est-il que la moisson est maigre. Une seule médaille de bronze en Kumite pour Araga. Heureusement, le Kata leur sauve la mise (1 or, 1 argent). Sinon, les Nippons ont été de déception en déception : Miyahara, Uekusa et Nishimura, éliminés en poule. Leur domination en kata ne peut cacher cet échec en Kumite.

Serap Ozcelik, zéro pointé

Elle ne nous avait pas habitué à cela. D’ailleurs, on ne se souvient même pas l’avoir vu perdre autant. 3 combats, 3 défaites. La Turque Serap Ozcelik, si brillante depuis 10 ans, n°1 mondiale, n°1 olympique, repart bredouille de Tokyo à la surprise générale.

Un KO pour finir : Hansoku ou Mubobi ?

On se souvient généralement des dernières images… On ne pouvait redouter pire conclusion. Pour le dernier combat de la dernière journée, la finale des lourds s’est finie en queue de poisson avec le KO de Sajad Ganjzadeh, finalement déclaré vainqueur aux dépens de Tareg Hamedi.

Hansoku ou Mubobi ? La question hantera longtemps les esprits. La réponse apportée à Tokyo ternit la magnifique image que donnait le karaté jusque-là. Car incompréhensible pour la majorité des téléspectateurs, voire même pour certains aficionados. La règle ou l’esprit ? Déjà, il faudrait être certain que la règle ait été logiquement appliquée, ce qui n’est pas si évident au vu des images, Ganjzadeh pouvant aussi être considéré comme s’étant mis en danger. Le Mawashi d’Hamedi était-il donné dans l’idée de faire mal ? La réponse semble évidente : c’est non. Qu’est-ce qu’une règle ? Un outil pour respecter l’esprit. Et l’esprit des sports de combat, c’est que le vaincu est au sol et le vainqueur debout. Pour l’image du Karaté, peut mieux faire.

 

LES JO, C’ÉTAIT AUSSI…

 

Thomas Bach en visite

Bien qu’il ne soit pas le meilleur ami du Karaté, le président du CIO Thomas Bach s’est déplacé au Nippon Budokan pour visionner la compétition. Il a ainsi pu s’entretenir avec le président de la WKF, Antonio Espinos.

Japon/Espagne : vive le Kata

Les Japonais et les Espagnols peuvent remercier leurs techniciens. Sans le Kata, ces 2 nations phare du Karaté n’apparaîtraient pas dans le classement olympique.

8 titres, 8 pays

Sur 8 catégories présentes, nous avons eu 8 nations championnes olympiques. En plus de cette répartition parfaite, le karaté montre qu’il est international puisque les champions olympiques viennent de tous les horizons (France, Bulgarie, Serbie, Japon, Espagne, Italie, Iran, Egypte).

Elena Quirici si proche, si loin

Bah oui, Elena Quirici, avec 5 points en poule, a fait le boulot pour se qualifier en ½ finale. C’est la seule athlète avec 5 points à avoir été éliminée. Car, voilà, en +61 kg, c’était tellement serré qu’il a fallu recourir au nombre de points marqués pour départager les combattantes. C’est ainsi Feryal Abdelaziz (14 points marqués) et Li Gong (13) qui sont passées en ½ finale. Elena Quirici (10) est restée à quai.

La Turquie, 1ère avec 4 médailles

Au nombre de médailles remporté, la Turquie finit 1ère nation avec 4 podiums. Mais elle se classe seulement 10e nation car, sur ses 7 engagés, un seul est parvenu en finale et aucun n’a remporté de titres.

Crescenzo et Horne out sur blessure

Le champion du monde italien Angelo Crescenzo (-60 kg) s’est blessé dès son 1er combat et a dû déclarer forfait. Ce fut encore plus dramatique pour Jonathan Horne. En poule, sur un crochetage d’Arkania, l’Allemand retombe mal et se fracture le bras. Bon courage pour ta rééducation, Jonny.

 

LES JEUX OLYMPiQUES DE TOKYO  : TOUS LES RESULTATS

 

-67 KG : STEVEN DA COSTA EN PATRON

Finale

Steven Da Costa (Fra) b. Eray Samdan (Tur), 5-0

½ finales

Steven Da Costa b. Darkhan Assadilov (Kaz), 5-2

Eray Samdan b. Abdel Almasatfa (Jor), 2-0

Le podium olympique

1. Steven Da Costa (Fra)

2. Eray Samdan (Tur)

3. Darkhan Assadilov (Kaz) et Abdel Almasatfa (Jor)

 

-75 KG : BUSA DOMPTE AGHAYEV

Finale

Luigi Busa (Ita) b. Rafael Aghayev (Aze), 1-0

½ finales

Rafael Aghayev b. Gabor Harspataki (Hon), 7-0

Luigi Busa (Ita) b. Stanislav Horuna (Ukr), 3-0

Le podium olympique

1. Luigi Busa (Ita)

2. Rafael Aghayev (Aze)

3. Gabor Harspataki (Hon) / Stanislav Horuna (Ukr)

 

+75 KG : HAMEDI DISQUALIFIE, GANJZADEH KO ET CHAMPION

Finale

Sajad Ganjzadeh (Irn) b. Tareg Hamedi (KSA), disqualification

½ finales

Tareg Hamedi b. Ryutaro Araga (Jpn), 2-0

Sajad Ganjzadeh b. Ugur Aktas (Tur), 2-2 (Senshu)

Le podium olympique

1. Sajad Ganjzadeh (Irn)

2. Tareg Hamedi (KSA)

3. Ryutaro Araga (Jpn) / Ugur Aktas (Tur)

 

KATA M : KIYUNA, ÉVIDEMMENT !

Finale

Ryo Kiyuna (JAP) b. Damian Quintero (Esp) -28.72 / 27.66

Médailles de bronze

Ariel Torres Gutierrez (Usa) b. Antonio Diaz (Ven) – 26.72 26.34

Ali Sofuoglu (Tur) b. Heejun Park (Cor) – 27.26 / 26.14

Le podium olympique

1. Ryo Kiyuna (Jpn)

2. Damian Quintero (Esp)

3. Ali Sofuoglu (Tur) / Ariel Torres Gutierrez (USA)

 

-55 KG : LE JOUR DE GLOIRE DE GORANOVA

Finale

Ivet Goranova (Bul) b. Anzhelica Terliuga (Ukr), 4-1

½ finales

Ivet Goranova b. Bettina Plank (Aut), 4-3

Anzhelica Terliuga b. Wen Tzu-Yun (Tpe), 4-4 (5-0 drapeaux)

Le podium olympique

1. Ivet Goranova (Bul)

2. Anzhelica Terliuga (Ukr)

3. Bettina Plank (Aut) et Wen Tzu-Yun (Tpe)

 

-61 KG : PREKOVIC AUX DRAPEAUX

Finale

Jovana Prekovic (Srb) b. Xiaoyan Yin (Chn), 0-0 (3-2 aux drapeaux)

½ finales

Xiaoyan Yin b. Giana Lotfy (Egy), 1-2 (3-2 aux drapeaux)

Jovana Prekovic b. Merve Coban (Tur), 2-0

Le podium olympique

1. Jovana Prekovic (Srb)

2. Xiaoyan Yin (Chn)

3. Giana Lotfy (Egy) / Merve Coban (Tur)

 

+61 KG : ABDELAZIZ LA SURPRISE

Finale

Feryal Abdelaziz (Egy) b. Iryna Zaretska (Aze), 2-0

½ finales

Iryna Zaretska b. Li Gong (Chn), 7-2

Feryal Abdelaziz b. Sofya Berultseva (Kaz), 5-4

Le podium olympique

1. Feryal Abdelaziz (Egy)

2. Iryna Zaretska (Aze)

3. Li Gong (Chn) / Sofya Berultseva (Kaz)

 

KATA F : HISTORIQUE DOUBLE POUR SANCHEZ JAIME

Finale

Sandra Sanchez Jaime (Esp) b. Kiyou Shimizu (Jpn), 28.06 vs 27.88

Médailles de bronze

Grace Lau (HK) b. Dilara Bozan (Tur), 26.94 vs 26.52

Viviana Bottaro (Ita) b. Sakura Kokumaï (USA), 26.48 vs 25.40

Le podium olympique

1. Sanchez Jaime (Esp)

2. Shimizu (Jpn)

3. Lau (HK) et Bottaro (Ita)