Ses parents se sont rencontrés dans un Dojo. Son père est son professeur. Sa mère est 5e Dan. Elle a commencé le Karaté dans le ventre sa mère. Elle a été sacrée championne du monde en novembre (+68 kg) ! Tout coule de source, non ? 

Cependant, le long fleuve ne fut pas des plus tranquilles pour la Grecque Eleni Chatziliadou, pourtant 3e des Mondiaux 2012 à seulement 19 ans. Elle va connaître 4 années mi-figue, mi-raisin en raison d’un exil professionnel en Allemagne pour financer ses compétitions. Vice-championne du monde 2016, vice-championne d’Europe 2018, elle est professionnelle à 100% depuis août dernier. Rencontre…

Par Ludovic Mauchien / Photos : Kphotos


Alors… Cela fait quoi d’être championne du monde ?

Un rêve est devenu réalité. Je n’arrive pas à comparer ce que je ressens avec autre chose. J'ai accompli l’objectif de ma vie. Mentalement, je me sens très forte, beaucoup plus forte. J’y suis arrivée !

Mais, désormais, j'ai un nouvel objectif, les Jeux olympiques. Je reprends à zéro. Mais c’est différent. Maintenant, j’ai ce feeling qui m'aide à me sentir très bien et à prendre du plaisir dans mon chemin vers les Jeux.

Un flash de Madrid ?

J’ai encore deux grandes émotions que je n'oublierai jamais : le câlin à mon père et à mon entraîneur, et quand j'ai entendu mon hymne national. J'ai pleuré et j'ai pensé à tous les mauvais moments que j'ai vécus, tout ce que j'ai fait pour être sur le sommet du monde. C'était très émouvant. Je pense tout le temps à ces deux moments et cela me rend heureuse.

Devenir champion du monde est-il aussi un soulagement ?

Oui, c’est en un ! Et peut-être plus encore un sentiment de justice, compte tenu de ce que j’ai vécu. Je n'ai rien reçu de personne. J'ai travaillé très dur, pas seulement à l'entraînement. Je devais travailler tous les jours pour payer tous ces tournois dans différents pays. J'étais seule, sans ma famille, en Allemagne. Donc, gagner les Mondiaux, c’est comme si Dieu m’avait dit : « Tu le mérites parce que tu as fait tellement de choses pour réussir ».

Et aujourd’hui, as-tu toujours un job ?

Non. Depuis août dernier, je suis un sportif professionnel de Karaté, grâce aux Jeux olympiques. Je suis payée pour tous ces tournois et je n’ai aucun frais à débourser. Je vis de nouveau en Grèce avec ma famille, mon père et mes amis. Tout va mieux pour moi maintenant. Mais, avant, c'était dur…

Quel est ton planning d’entraînement ?

Je m'entraîne tous les jours, de 2 à 4 heures, matin et soir. Le matin, je commence par la préparation physique, le cardio, les exercices de froce, la musculation... Le soir, je fais du Karaté.

« J’ETUDIE LE GREC ANCIEN ET LES PHILOSOPHES »

Quel est ton spécial ?

J’adore les coups de pied. Je ne le fais pas souvent parce qu’on doit trouver le bon timing, mais mon préféré, mon spécial, c’est l’Ushiro Ura Mawashi Geri.

Quel est ton adversaire la plus dangereuse ? Toi-même ?

Exactement ! (elle sourit). Je pense que c’est moi-même. Si je réussis à me gérer moi-même, je pense pouvoir gérer tout le monde.

Pourquoi le Karaté ?

Parce que toute ma famille fait du Karaté (elle rit). Nous sommes une « famille Karaté » ! Mon père a rencontré ma mère dans un Dojo. Ils sont tombés amoureux. Mon père était son entraîneur. Pendant toute notre vie, nous avons pratiqué le Karaté. J'ai même commencé avant ma naissance (elle rit). Ma mère pratiquait quand elle était enceinte. Plus sérieusement, j'ai commencé à 2-3 ans et, depuis mes 8 ans, je ne fais que du Kumite. Mes parents pratiquent le Karaté d’Okinawa et le Shotokan.

As-tu des idoles, des champions qui t’ont inspirée ?

Oui bien sûr. Christophe Pinna, Davide Benetello, Ivan Leal et, de la nouvelle génération, Georgios Tzanos, Dimitri Triantafyllis, Kostas Papadopoulos et d’autres de mon pays. Quand j'étais adolescente, je regardais davantage les Grecs. J’aime aussi les Allemands Noah Bitsch et Jonathan Horne.

Qu'est-ce que tu aimes faire en dehors du Karaté ?

Quand j'ai le temps, je suis fatiguée et j'essaie de dormir (elle rit). Si j'ai un peu plus de temps, l'été, j'aime essayer des choses que je n'ai jamais faites. En plus, j'étudie beaucoup. Je l'aime. J'étudie le grec ancien et les philosophes.

Etudies-tu à l'université ?

Oui, j'ai un baccalauréat en physiothérapie. J'ai travaillé pendant 3 ans en Allemagne en tant que physiothérapeute. Maintenant, j'étudie la médecine à l'université de médecine de Salonique. Mais je n’ai pas beaucoup de temps pour mes études, peut-être après les Jeux olympiques, si j’arrête le karaté. Je souhaite devenir médecin.

Si tu avais un conseil à donner à un adolescent, quel serait-il ?

D'après mon expérience, d'après ce que j'ai compris, mon conseil, c’est : vous devez vous battre pour ce que vous aimez et ne jamais abandonner, peu importe le nombre d'obstacles que vous rencontrez sur votre chemin.

 

Eleni Chatziliadou

Née le 29 juillet 1993 à Katerini (Grèce)

Professeur : Maximos Chatziliadis

Club : Pierikos Karate Team

Taille : 1,74 m

Catégorie : +68 kg

Palmarès

Championne du monde 2018

Vice-championne du monde 2016

3e des Championnats du monde 2012

Vice-championne d’Europe 2018

3 podiums dont 2 victoires (Istanbul 2011, Shanghaï 2018) en Karate 1

 

Chatziliadou Madrid2018F 0022

Eleni avec son père juste après son tire mondial en novembre 2018.