Comment vont-ils ? Comment voient-ils leur avenir ? Comment vivent-ils au présent, mentalement, physiquement, financièrement ? Passer 9 mois sans compétition a-t-il changé leur priorité, modifié leur vision de la vie, leur vie, tout simplement ?

Alors que les 25e Championnats du monde auraient dû commencer aujourd’hui à Dubaï (18-22 novembre), nous avons pris des nouvelles de nos champions à travers le monde. Au fil de la semaine, Anzhelica Terliuga, Elisa Au, Driss El Mannani, Ali Elsawy, Luigi Busa… vont raconter leur « nouvelle » vie qu’ils n’espèrent pas éternelle. Aujourd’hui, Steven Da Costa et Alexandra Recchia…

Par Ludovic Mauchien / Photo : Kphotos


« J’ai très bien vécu le 1er confinement au printemps. En fait, la coupure était la bienvenue. Elle a même été bénéfique après ces 2 années de qualif’ où c’était horrible pour tout le monde. Mais là, cela commence à faire long… ». Le champion du monde des -67 kg, Steven Da Costa, résume le sentiment général. La 1ère vague de Covid 19 apparue l’hiver dernier a paradoxalement été plutôt bien vécue par une majorité d’athlètes dans le monde (et pas seulement en Karaté) car elle leur a permis de souffler, de récupérer, de reconstruire un corps mis à dure épreuve.

Mais, après 9 mois sans compétition, cela commence donc à faire long. « On s’adapte mais je ne vais pas mentir, c’est dur de se motiver à s’entraîner. J’ai la grande chance d’être en famille (à Mont-Saint-Martin, petite ville de Lorraine de 9000 habitants). J’ai la salle à 50 m de chez moi, mon père et mes deux frères (Logan et Jessie). Mais on a levé le pied. On ne s’entraîne pas 2 fois par jour alors que l’on ne sait même pas quand on va reprendre. On aimerait bien avoir une date. Ca fait quasiment un an que je n’ai pas combattu. J’espère que l’Open de Paris aura lieu ».

9 mois sans compétition ! Du jamais vu dans l’ère moderne ! Impossible à anticiper, difficile à appréhender, encore plus à maîtriser. « Je suis moins motivé pour m’entraîner même si la sensation, l’atmosphère des compétitions me manque. Mais, sincèrement, j’apprécie ma vie actuelle. J’essaie de voir le positif, et l’on s’attache vite à faire autre chose. C’est dur de s’entraîner et d’être sportif de haut niveau à plein temps. En fait, tout dépend de ton état d’esprit. Si tu es en mode négatif, cela commence à faire super long et c’est « lourd ». Si tu es en mode positif, tu te dis que cela passe vite. Et j’ai été pas mal occupé cette année. Cela m’a permis de penser à autre chose. Je m’y habitue, à cette coupure. Mais je suis quand même impatient que cela reprenne ».

Côté financier, Steven Da Costa n’est pas en danger. Il est salarié de la SNCF et a même signé avec un nouveau sponsor. « Le Karaté n’est pas mon revenu principal car j’ai un CDI à la SNCF. De plus, je suis toujours en contrat avec Venum et j’ai signé avec Visa lors du dernier confinement. Donc, ça va. Mais c’est plus difficile de démarcher des sponsors parce que, même si c’est l’année olympique, les pauvres, ils sont dans le dur ».

Alexandra Recchia : « Il faut que je change de priorité. Je dois travailler »

Alexandra Recchia est dans cette problématique. La quintuple championne du monde n’a pas opté pour le salariat et prend de plein fouet la crise vécue par les indépendants. Après avoir brillamment mené deux carrières de front, celle de championne et celle d’étudiante en master de droit pour devenir avocate, la Française a commencé à travailler. Puis elle s’est à nouveau consacrée pleinement au Karaté avant de se blesser et demeurée sur le tapis pendant de longs mois. Elle ne pouvait plus viser la qualification olympique par le ranking. Objectif : le TQO en mai 2020.

Puis plus rien. Le néant. Confinement, absence de compétitions, interdiction de la pratique en club… Le Karaté est fortement impacté et ceux qui en vivent sont touchés. En octobre, la FFK enregistrait une baisse de 25% de ses licenciés en comparaison à octobre 2019, et les prévisions sont alarmantes. Les clubs sont en danger. Les subsides amoindris reçus par ses deux « employeurs » ne suffisent plus à Alexandra Recchia. « Je dois me rendre à l’évidence. Il faut que je change de priorité. Je dois travailler. Je vais collaborer dans un cabinet d’avocats. Accepter ce changement n’est pas facile. J’ai besoin de challenge, de défi. J’ai toujours fonctionné comme ça. Le manque d’objectif au quotidien est pesant.

Cette décision n’a pas été facile à prendre et à accepter car j’avais l’impression d’abandonner. J’ai beaucoup pleuré mais j’ai compris que c’était vital. Je suis donc en paix avec cette décision. Cela ne signifie pas pour autant que j’arrête le Karaté. Mais, en attendant d’y voir plus clair, je le mets entre parenthèses et je me tourne vers d’autres objectifs cette fois-ci professionnels ». Alexandra Recchia a déjà un pied dans le monde d’après mais elle en garde un dans le monde d’avant. Quand on connaît son caractère, il y a fort à parier qu’il s’agit de celui avec lequel elle a si souvent marqué des Ura Mawashi…