Certes, il y a le talent, l’éducation, la passion. Pour entrer au Panthéon, il faut être dans une autre dimension. Mais cela ne suffit pas à expliquer la construction d’un champion d’exception comme Michaël Milon.

Son père Michel, Alain Auclert, qui l’a connu dès ses 8-9 ans, et Serge Chouraqui, qui l’a entraîné dès ses 14-15 ans, abordent l’ascension d’un enfant prédestiné qui deviendra triple champion du monde Kata. 3e épisode de notre hommage.

Par Ludovic Mauchien / Photos : Denis Boulanger


Perdurer au haut niveau et traverser les époques ne tient pas du hasard. Celui-ci n’a pas sa place dans la légende. Si Michaël Milon était si particulier pour laisser une aussi grande trace dans l’histoire, c’est parce que la sienne est unique. Son talent était rare, mais son façonnage lui a aussi permis d’atteindre les sommets.

 

Michel Milon : « La vitesse qu’il avait développée grâce à la muscu »

Son père

« Il a commencé le Karaté à l’âge de 8 ans. Un de mes copains de muscu était prof de Karaté à Amboise. On faisait l’aller-retour 1 fois par semaine (2 fois 100 km). Il allait au Japon tous les ans et faisait des stages avec les Japonais auxquels Michaël assistait.

En fait, Michaël s’entraînait tous les jours à la maison ou au bord de la piscine. Il ne faisait pas un entraînement complet, mais il répétait des mouvements, faisait des étirements… C’était pratiquement inné.

Sa grande force, en dehors de la technique et de la stabilité, c’était la vitesse, qu’il avait développée grâce à la muscu. La musculation, dans n’importe quel sport, est partie intégrante. Cela permet d’avoir un équilibre et de prendre conscience de son corps. Mais, jusqu’à l’âge de 18 ans, j’ai toujours interdit à Michaël de toucher à une barre, tant que le squelette n’était pas fait. Il faisait des abdos.

Autre chose, il se remettait constamment en question. Un exemple. En 1989, dans l’avion du retour après son 1er titre de champion d’Europe cadet (il avait 17 ans), il me dit : « papa, dès que l’on rentre, on va aller s’entraîner ». Je lui dis de prendre un peu de recul, qu’il est champion d’Europe… Il me répond : « Non, non, non ! Mon titre de champion d’Europe, si je ne gagne pas les championnats de France, il ne vaut rien du tout ».

 

Alain Auclert : « Michaël picorait partout »

Son entraîneur en équipe de France et au KC Châteauroux

« A 8 ans, son père l’amenait aux stages de ligue. A l’époque, j’en faisais dans tous les départements. Il n’en manquait pas un. Michaël picorait partout où il allait et cela rentrait comme dans du beurre. Avec lui, il n’y avait pas besoin de répéter. C’est la différence entre lui et les autres. Tu lui faisais une remarque. La fois d’après, il avait corrigé et tu pouvais passer à autre chose, jusqu’au plus petit détail. Ca, je ne l’ai jamais vu chez aucun autre.

A 13-14 ans, il venait s’entraîner à Châteauroux (70 km de Loches, sa ville natale). Il ne ratait rien et les km ne lui faisaient pas peur. C’était un gros bosseur.

Et il avait du monde derrière lui. C’était une équipe. C’était Michaël, c’était son père, c’était Serge (Chouraqui). Chacun avec sa spécialité. Moi, je le pinaillais sur sa technique, Serge sur le rythme, son père sur la muscu. On était complémentaire ».

 

Serge Chouraqui : « C’était lui qui épuisait l’entraîneur »

Son entraîneur en équipe de France et au SIK

« Mon souvenir le plus marquant avec Michaël, c’est l’entraînement. C’était des heures et des heures d’entraînement. En général, c’est l’entraîneur qui épuise l’entraîné. Mais, avec Michaël, c’était lui qui épuisait l’entraîneur. Des sauts, il pouvait en faire 300 000. C’était une machine.

Il cherchait tellement la perfection, le détail dans la perfection, que c’était sans cesse une répétition. Le but n’était jamais atteint tant que lui n’était pas satisfait. La compétition et les résultats étaient la conséquence de ses entraînements, un sérieux dans le temps, dans la recherche.

On faisait du global, avec des séances à thème : puissance, vitesse, rythme, l’ancrage, des séquences spécifiques d’un Kata. A la fin, il effectuait 3-4 séries du même Kata à fond. Sur les compétitions, c’est lui qui communiquait cette envie, cette disponibilité et cette volonté à être le meilleur ».

 

A LIRE :

Épisode 1 / Michaël Milon l’éternel

Épisode 2 / Unsu par Michaël Milon